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Jean-Pierre Lafrance

 

Jean-Pierre LafranceJean-Pierre Lafrance est né en 1943 à Montréal, Québec. Son père était propriétaire d’un atelier de jouets de bois qu’il fabriquait pour les grands magasins. Canards, voitures, petits trains, c’est en aidant son père à assembler, visser, coller et peinturer ces jouets que le jeune Jean-Pierre vécut ses premiers contacts avec la matière et la création.

Dans cet atelier, il y avait une « chambre à peinture » dans laquelle, comme le dit Robert Bernier, « son père avait installé un astucieux système composé de lattes de bois disposées à la verticale et criblées de clous plantés à l’envers, la pointe vers l’extérieur. Ces lattes servaient à suspendre les jouets sans risquer d’en abîmer la peinture encore fraîche. Ce souvenir d’enfant exercera une grande influence sur l’artiste. Longtemps ses personnages, qui occupent une place centrale dans son oeuvre, seront une évocation de ces lattes dressées et de l’aspect singulier que donnent les clous qui les traversent ». Quant à sa mère, voici ce qu’en dit l’artiste : « C’est pendant qu’elle était enceinte de moi que ma mère a perdu la vue. Je me souviens qu’elle me disait : — Viens que je touche ton visage pour voir si tu as changé. J’ai donc ressenti très tôt l’importance de la matière, des formes, du relief. »

Formation artistique – Entre 1959 et 1960, Jean-Pierre Lafrance a seize ans et s’inscrit en dessin et peinture à l’École des beaux-arts de Montréal. Bien vite, sa curiosité et sa soif de création l’amènent à vouloir explorer d’autres médiums. En 1961, il entre au studio Salette à Montréal pour y étudier le dessin de mode et se familiarise avec la technique de l’aquarelle. Par la suite, il s’applique à parfaire sa technique en peinture et en aquarelle, ses moyens d’expression privilégiés. En 1978, Jean-Pierre Lafrance travaille à l’atelier de Jordi Bonet, sculpteur et muraliste québécois renommé. Il y explore tout le potentiel de la matière afin de lui donner des effets de mouvements et de relief. Leurs échanges sur l’art et la vie permettront à Jean-Pierre Lafrance de définir plus clairement son langage pictural. En 1983, il obtient une bourse du gouvernement du Québec. Il se joint à l’atelier de l’île de Val-David, où il apprend à maîtriser les techniques complexes de la gravure telles que la lithographie et la sérigraphie.

Sa peinture — « Je ne décide jamais à l’avance à quoi ressembleront mes toiles », dit Jean- Pierre Lafrance. « Je travaille spontanément; le résultat est donc la conséquence de mon état d’esprit du moment. Un geste inattendu, une goutte de peinture qui coule et c’est toute l’oeuvre qui trouve un sens nouveau. » Pour Jean-Pierre Lafrance, peindre n’est pas un acte cérébral mais physique. Par la communion du geste spontané, de la couleur et de la matière, il donne forme à la force et à la lumière. « Quand je commence un tableau, je n’ai pas d’idée vraiment précise, je pose un premier geste et, comme l’onde sur l’eau créée par le choc d’un caillou, la première onde va donner la pulsion à la suivante puis au reste. Le premier trait appelle l’autre, l’autre appelle une forme qui, elle, appelle une couleur, une matière et ainsi de suite. Quand je peins, je laisse aller ma couleur, je joue avec ce que j’ai sur ma palette. » Dans les années quatre-vingt-dix, Jean-Pierre Lafrance entreprend la conception de tableaux électriques en utilisant béton et acrylique. Le tableau, une fois terminé, est introduit dans un boîtier, métaphore du corps, contenant une source lumineuse. Selon qu’on allume ou qu’on éteint la lumière, le tableau se dédouble et se révèle alors sous deux états très différents.

Sa vision – Pour Jean-Pierre Lafrance, la peinture est très proche du jeu. « Quand je peins, c’est un peu comme si je jouais aux échecs. Je cherche à trouver ce qui est nécessaire au tableau. » Le nécessaire pour Jean-Pierre Lafrance, c’est de réussir à faire corps avec la toile pour pouvoir y déverser toute l’énergie, les émotions et la lumière de son être. Jean-Paul Riopelle a dit : « Quand tu peins, tu dois devenir peinture, être peinture. » C’est ce que Jean-Pierre Lafrance réussit magnifiquement, sans oublier pour autant qu’un tableau est fait pour être regardé et que le jeu, comme le nécessaire, demeurent principalement esthétiques. « Mon défi, c’est de placer sur la surface un amalgame d’éléments qui à la fin donne un sens... un sens avant tout plastique. » Mais il ajoute : « Je veux surtout que les gens prennent le temps de s’imprégner de mes oeuvres, d’y découvrir un message de vie par le biais des formes et des couleurs. La vie est comme un envol, un détachement, une progression, une ascension qu’il faut sentir pleinement pour en saisir toutes les nuances, leur donner du volume et finalement... les mettre en relief. »

L’inspiration – Jean-Pierre Lafrance sait profiter de toutes les expériences, de toutes les émotions que lui apporte la vie pour créer son style pictural unique. « J’aime la nature, dit-il, je vis à la campagne sur le bord d’un cours d’eau, pourtant quand je peins, je ne cherche pas à reproduire cette nature qui m’entoure. Elle m’inspire, oui, tout m’inspire. » Les voyages, les couleurs, les sons, les odeurs d’Europe et d’Amérique, les rencontres, les femmes aussi, d’ici et d’ailleurs, toutes réalités auxquelles il se confronte et qu’il absorbe pour mieux les transposer, avec passion et générosité, dans ses oeuvres.

Techniques et matériaux – Ses études, ses recherches, sa quête insatiable de compréhension du monde, ont amené Jean-Pierre Lafrance à explorer et développer plusieurs techniques et à utiliser des matériaux variés. Qu’il s’agisse de sculpture, de peinture, d’aquarelle, de gravure, il joue avec les masses, les textures, la lumière, les couleurs... « Je travaille peu avec les pinceaux; j’aime travailler plutôt avec des cartons que j’utilise comme une palette, sinon une raclette. Mon contact avec la toile est physique et c’est fondamental pour moi, ce rapport du corps dans l’action de peindre. »

Son style – Jean-Pierre Lafrance ne se laisse emprisonner dans aucune catégorie. Son style, en plus de quarante ans de carrière, n’a cessé d’évoluer et de changer comme la vie elle-même. À ses débuts, dans le monde de la mode, Jean-Pierre Lafrance dessinait en noir et blanc. « Les dessins étaient destinés aux journaux et devaient apparaître comme s’ils étaient en couleur. Donc j’utilisais plusieurs nuances de gris. Aujourd’hui, j’utilise de la couleur mais aussi du noir. Le noir est très important dans mes oeuvres. On considère maintenant ma peinture comme abstraite, mais moi je sais qu’elle ne l’est pas vraiment. Je pars toujours de quelque chose, d’un thème qui, même vague, me donne la pulsion initiale du trait, du départ. Mais en cours de route, il arrive souvent que les choses se transforment. » Le corps, la lumière et la quête de la juste distance entre le réel et soi demeurent, bien que « tout bouge, glisse, insensé et pressé, car il n’est pas possible de retenir le temps, il se défile ».

Jean-Pierre Lafrance, lui, ne se défile pas quand, avec spontanéité, force et talent, il accepte de partager avec nous sa compréhension du monde et sa fragilité.

Oeuvre exposée
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Jean-Pierre Lafrance